Dès 1254, les bourgeois de la ville de Metz s'affranchissent de la tutelle de l'Evêque et constituent une "république" oligarchique dirigée par un collège d'échevins.
Fréquemment en lutte avec les Evêques de Metz et les ducs de Lorraine pour le maintien de leurs prérogatives, ils ont besoin d'armes et de poudre, et des achats de salpêtre par la cité sont constatés tout au long du 15e siècle. Au début, les échevins faisaient certainement fabriquer de la poudre par de petits artisans, mais ils font construire assez rapidement un moulin à poudre dont l'existence est attestée en 1533.
Les moulins anciens (< 1530 - 1665)
En 1552, le roi de France Henri II obtient la souveraineté sur les "Trois Evêchés" et occupe la ville, qui est assiégée la même année par Charles Quint. Chargé de la défense de la ville, le duc de Guise "créa, dans l'île Sainte-Barbe, aujourd'hui l'arsenal, une fonderie de canons et une poudrerie qui fonctionnèrent aussitôt. Le lieu où fut placé cet établissement était en bon état de défense et avait déjà pris le nom de retranchement de Guise". (ref.1)
Ce moulin à poudre était probablement situé sur la Seille près de l'actuel pont Sainte Barbe, mais n'est pas mentionné par la suite.
Le moulin appartenant à la cité, dont l'histoire est assez bien documentée, était établi à l'extrémité est de l'île du Saulcy (ref.2), à proximité du "Moulin du Terme" encore visible de nos jours.
Il s'agit en fait de l'île du Petit Saulcy (maintenant île de la Préfecture) et non de l'île du Grand Saulcy (maintenant île Saulcy, voir ci-après).
On trouve dans ce même document plusieurs mentions de travaux effectués pour l'entretien du moulin, notamment en 1581, 1583 (reconstruction suite à un incendie ayant ruiné le bâtiment), 1619 et 1655.
Depuis 1583, le moulin était loué à François Tout-le-Monde, également salpêtrier, puis à son fils Dominique en 1607. Celui-ci reçut en 1609 du Duc de Sully, Grand Maître de l'Artillerie du roi de France Henry IV, une concession exclusive pour la recherche du salpêtre et la fabrication de la poudre sur l'ensemble du pays Messin.
La famille Tout-le-Monde exploite le moulin jusque dans les années 1660, mais la production de poudre est arrêtée avant 1670, probablement en conséquence de la création par Louis XIV de la Ferme des Poudres et Salpêtres en 1663 et à son attribution à François Berthelot en 1665. En 1677, ce moulin est transformé en "tirerie de fer" (tréfilerie), puis en "pilant à écorce et en pilant à ciment" en 1685, et ensuite en papeterie, en moulin à blé, etc...
Nouveau Moulin – Poudrerie (1670-1884)
Sous l'égide de la Ferme, un nouveau moulin à poudre/poudrerie est construit, probablement vers 1670, à l'extrémité nord-est de l'île du Saulcy (Grand Saulcy), sur le "Pré de l'Hôpital" près de la digue des Pucelles. En 1678 et vers 1700, il est mentionné comme comportant une vingtaine de mortiers pour une production d'une cinquantaine de tonnes de poudre par an.
L'inventaire réalisé en 1716 (ref.3) constate que le moulin et la raffinerie de salpêtre attenante sont en très mauvais état. Il est mentionné deux moulins (Saint Pierre et Sainte Barbe) avec une batterie de mortiers chacun, un grenoir, une tonnellerie, ainsi que le matériel nécessaire pour sécher la poudre, la tamiser, la peser, fabriquer le charbon de bois, etc.
Le 23 février 1723, une explosion d'environ 800 kg de poudre dans un moulin et un petit magasin voisin fait 2 morts et deux blessés graves, ainsi que des dégâts alentours avec des retombées enflammées jusqu'à 1300 m de distance.
Suite à cette explosion, un nouvel inventaire mentionne dans chacun des deux moulins deux batteries de 12 pilons chacune, soit 48 pilons en tout, ce qui devait permettre une production de l'ordre de 120 t/an.
Les mortiers recevant les pilons de chaque batterie étaient creusés dans une seule pièce de chêne massif, comme cela apparaît sur le dessin ci-contre.
Alors qu'auparavant les roues des deux moulins étaient situées sur un canal unique, en 1724 un canal spécifique avait été creusé pour le moulin Saint Pierre.
Un plan des fortifications de Metz daté de 1732 fait apparaître l'emplacement de la poudrerie à l'intérieur des remparts, protégé par un petit bastion l'isolant du reste de l'île du Saulcy (voir rond rouge sur la carte ci-contre).
D'autres accidents sont mentionnés en 1755 et 1796, entraînant des dégâts aux alentours et des plaintes de la population. En 1806, une délibération du Conseil municipal réclamait que les ateliers soient éloignés des habitations.
En 1809, une note du ministère de la guerre indique que la poudrerie est en très mauvais état et qu'il conviendrait de déplacer les moulins pour les éloigner des habitations. Il était exigé que la ville finance la moitié des frais, mais le conseil municipal ayant refusé, il semble que la situation soit restée en l'état.
En 1824, nouvelle explosion d'un moulin et nouvelles plaintes des habitants. Le ministre de la guerre rappelle "vous n’avez pas le droit de vous plaindre si la poudrerie saute et dégrade vos maisons car cela résulte d’un état de choses que vous avez volontairement accepté en venant vous établir après coup dans son voisinage"
Il ne se passe donc pas grand-chose jusque 1841, moment où le ministère décide la reconstruction complète des bâtiments de production avec leur éloignement des habitations, mais pas suffisamment au gré de la municipalité et des habitants, qui essaient de s'y opposer par divers moyens.
La nouvelle poudrerie est cependant mise en place dans les années suivantes, avec deux moulins équipés de meules pour la poudre de chasse et quatre moulins avec 16 pilons chacun pour la poudre de guerre et de mine.
Les autres bâtiments comprenaient un autre atelier de meules pour le broyage des produits de base, un lissoir, deux grenoirs, des séchoirs, des dépôts, etc. (ref.3).
En 1856, l'ingénieur des poudres Maurouard introduit un nouveau procédé de production du charbon de bois en autoclave avec récupération des gaz et goudrons de distillation (ref.4).
Après l'annexion par la Prusse en 1871, la poudrerie de Metz est délaissée car considérée comme trop près de la frontière, et fermée dès 1886 pour être transformée par la suite en maison de plaisance pour les officiers allemands de la garnison et leur famille.
Références :
1. L'avant dernier siège de Metz" – impr. Gauthier-Villars (1875 ?)
2. "Mémoires de l'Académie Nationale de Metz" – XXXe année -1848-49
3. http://promenade.temporelle.free.fr/dotclear/index.php/post/2009/05/09/La-poudrerie
4. "Le Service des Poudres" sous la direction de l'IGA Vannetzel -1963