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Histoire des Poudres et Explosifs

Remarques préliminaires


Il n'est pas question sur ce site de reprendre en détail, la très longue histoire des poudres et produits explosifs, qui ont fait déjà l'objet de dizaines - voire centaines - d'ouvrages depuis plusieurs siècles, mais simplement d'en rappeler les éléments les plus marquants avec renvoi, le cas échéant, vers des documents permettant d'en approfondir certains aspects.

Ces pages sont appelées à s'enrichir progressivement, au fur et à mesure des mises à jour du site. N'hésitez donc pas à y jeter régulièrement un coup d'oeil pour en découvrir les nouveautés.

Si vous avez des questions à nous poser, des éléments complémentaires à nous apporter ou des suggestions à nous proposer, contactez l'équipe "Histoire et Patrimoine".

Les origines


 

L'emploi des compositions à combustion vive remonte à l'antiquité ; il est vraisemblable que la découverte des propriétés d'un mélange de salpêtre, de soufre et de charbon de bois soit également fort lointaine. Cependant, du point de vue militaire, l'usage semble s'en être limité longtemps, comme pour les autres combustibles hautement énergétiques, à la réalisation d'engins incendiaires et de " machines infernales" destinées à semer la terreur chez l'ennemi. Les emplois dans les pièces d'artifice sont toutefois anciens.

 

 

Berthold Schwartz et la poudre noire       

   


On admet que les Chinois ont pu connaître la poudre noire vers le Ier siècle de notre ère, mais ils n'en firent pas l'application à l'artillerie. En 969, ils ne s'en servaient encore militairement que pour faire des flèches incendiaires. Au IXe siècle, Marcus Graecus consacre un ouvrage sous le titre  "Liber Ignium", aux feux grégeois et à la poudre noire. Par la suite, il semble que la possession d'Alexandrie (grand centre d'érudition et de sciences) permit aux Arabes d'acquérir au XIIIè siècle, une certaine avance dans ce domaine. On situe d'ailleurs à la même époque, la mise au point par Roger Bacon (qui vécut de 1214 à 1292) d'un procédé de raffinage poussé pour le salpêtre. De son côté, Albert le Grand, vers 1250, fabrique à Cologne son fameux « feu automate » qui provoqua la colère de saint Thomas d'Aquin. Enfin, c'est en 1354 que se placerait la découverte de la poudre noire par le moine allemand Berthold Schwartz. Dès lors obtenir des poudres alliant à d'importantes propriétés de force et de vivacité, une aptitude à la conservation qui en permettra l'emploi dans les campagnes militaires.

 

 

 

L'usage du canon est signalé dès 1304 (document arabe). Cependant, les chroniques de la ville italienne de Forli mentionnent en 1281, des "fusiliers" (sans préciser leur rôle au combat). Machiavel dans les "Histoires Florentines", date de 1286, l'emploi par les Génois, des "scopettieri" et des artilleries, mode d'armement qu'il déclare avoir été inventé par les Allemands. Les écrits se multiplient à ce sujet pour les batailles du début du XIVème siècle. Enfin, il est historiquement connu qu'à la bataille de Crécy (1346), les bombardes anglaises jouèrent un rôle dans l'écrasement de la chevalerie française. Il est traditionnel de faire partir de cette date, l'importance de l'artillerie dans les armées de la Renaissance, puis de l'époque moderne.
(extraits de l'ouvrage "Le Service des Poudres" - 1963). 

 

L'ère de la Poudre Noire - 1350 - 1900


 

Pendant de longues années et jusqu'à la deuxième moitié du XIXè siècle, la poudre noire resta le seul agent explosif utilisé, tant pour les besoins militaires que pour les emplois civils (artifices, mines et carrières ...) qui apparaissent dès le milieu du XVIè siècle.
Le Service des Poudres et Salpêtres (avec les systèmes d'encadrement de la collecte du salpêtre et de  la production de la poudre noire qui l'ont précédé) a été en France le principal acteur du développement des techniques de production pour améliorer les performances, la qualité, la productivité et la sécurité.

De nos jours la poudre noire reste surtout utilisée pour certaines fonctions d'allumage et dans les artifices de divertissement ou de spectacle en raison de sa grande facilité d'inflammation et de sa capacité à brûler rapidement même sous faible pression.
Elle est également occasionnellement employée pour l'abattage de matériaux fragiles (ardoises, marbres ...) qui résistent mal à l'onde de choc développée par les explosifs détonants, ainsi que pour le tir aux armes anciennes.

 

Ci-dessus : un des tout premiers ouvrages en français consacrés à l'utilisation des poudres et artifices - Joseph Boillot  - 1598.

 

A droite : ordonnance de Louis XIV sur les épreuves de vérification de la qualité des Poudres et Salpêtres

 

 

Les nouveaux produits explosifs


 

Les essais pour remplacer la poudre noire par des produits plus performants ont longtemps été peu concluants. On peut par exemple, citer la tentative de Claude Berthollet de remplacement du salpêtre (nitrate de potassium) par le chlorate de potassium, qui se solda par un accident dramatique à la Poudrerie d'Essones en 1788, ou l'emploi de coton-poudre (nitrocellulose) sec pour le chargement d'obus ou de torpilles dans les années 1860-1880, qui conduisit à de nombreux accidents.

 
 

 

A la même époque, l'emploi militaire de la nitroglycérine et de la dynamite fut également très rapidement abandonné en raison de la trop grande sensibilité de ces produits.
Les évolutions décisives, qui révolutionnèrent le monde de la guerre au XXè siècle sont, au cours des années 1880, l'oeuvre de deux français : Paul Vieille qui inventa la Poudre B à base de nitrocellulose gélatinisée, pour la propulsion des balles et obus, et Eugène Turpin
qui proposa l'emploi de la mélinite (acide picrique) pour le chargement des obus, bombes, etc...
Confection de charges en poudre B en bande pour les obus du canon de 75
Pyrotechnie de l'Arsenal de Toulon - 1914-1918

 

Le service des poudres


 

Le service des poudres est l'héritier d'une longue histoire industrielle, quiremonte au 14ème siècle. Dès 1338 en effet, le Grand maître des arbalétriers est chargé de développer une nouvelle arme "l'artillerie de feu", ainsi que les moyens de fabriquer les canons et la poudre noire.
En 1420, est nommé un "Général maître de l'artillerie", toujours subordonné au Grand maître des arbalétriers, mais le développement de la nouvelle arme conduit  à la fin du siècle à la création d'une "Grande Maîtrise" indépendante. Jusqu'en 1633 l'approvisionnement des armées en poudres et salpêtres restera de sa compétence.
Pendant toute cette période, le principal souci sera d'assurer la récolte du salpêtre destiné aux "maîtres poudriers", petits industriels indépendants exploitant les nombreux "moulins à poudres" établis sur l'ensemble du territoire. Divers textes, dont notamment des édits ou ordonnances d'Henri II (1547), Charles IX (1566, 1572),  Henri III (1582), Henri IV (1601), Louis XIII (1628) … réglementent la collecte du salpêtre, les conditions de son raffinage et de sa conservation, le contrôle de sa qualité, etc.

 

 

 

 

Antoine Laurent Lavoisier

 

 

En 1633, sont créés des offices de surintendant et de commissaire général des poudres et salpêtres, membres du Conseil d'Etat puis en 1663, Louis XIV confie l'ensemble de la production des poudres et salpêtres à un fermier général unique, dont le premier fut François Berthelot.
Cette ferme générale perdure jusqu'à 1775, date à laquelle elle est remplacée par une "Régie Royale des Poudres et Salpêtres", organisme à financement privé ayant à sa tête quatre Régisseurs nommés par le Roi, parmi lesquels  tenait un rôle primordial pour l'organisation technique des productions.

 

 

La Révolution "nationalise" la Régie en 1791, les employés étant fonctionnarisés et rattachés directement à l'administration des Finances. En 1794, elle devient "Agence nationale", alors qu'en parallèle est développée une "Agence Révolutionnaire des Salpêtres et des Poudres" ne dépendant que du Comité de Salut Public, avant que les deux entités soient fusionnées la même année en une seule "Agence des poudres et salpêtres". De cette époque date la loi du 13 fructidor an V, qui restera la base du régime des Poudres et Explosifs jusqu'en 1970 et la suppression  du monopole.

 

 

 

Courrier daté de l'an 12 de l'Administrateur Général des Poudres Riffault des Etres, créateur de la poudrerie du Ripault en 1783   -    document original AF3P

 

 

 

Le "Foudre ailé", alias "Poudrion", insigne des Poudriers au XXè siècle

 

 

En 1800, le Consulat recrée une régie qui prendra le nom de Services des poudres et salpêtres en 1819 et perdurera, avec des rattachements divers (Armée ou Finances selon les époques) jusqu'en 1971 lorsque les activités industrielles furent transmises à la SNPE.
Il subsista cependant jusque dans les années 1990, un "Service technique des poudres et explosifs" chargé de la gestion des tâches restant à la charge des Armées (études long terme, gestion de personnels sous statut et de sites non apportés à la SNPE, etc...)

 

 

Pour en savoir plus sur l'histoire du Service des Poudres, se reporter à l'ouvrage collectif  "Le Service des Poudres" édité en 1963 sous la direction de l'IG Vannetzel, que nos adhérents peuvent télécharger sur notre site.

 

 


Quelques personnages illustres


 François BERTHELOT (1827 - 1907)

Premier titulaire de la ferme des poudres et salpêtres en 1664,
il réorganisa la collecte du salpêtre et la production des poudres en veillant
notamment à améliorer la qualité des productions et les conditions de travail des employés.
Deux de ses fils lui succédèrent au titre de Commissaire

général des poudres et salpêtres jusqu'en 1716.

Pour en savoir plus

 

Moulins à pilons, 17ème siècle 

Antoine Laurent de LAVOISIER (1743 - 1794)

 

 

Fermier général et régisseur des poudres et salpêtres, il a entre autres, travaillé à l'amélioration des procédés de collecte et de raffinage du salpêtre et de fabrication de la poudre noire, permettant notamment, une augmentation importante de la qualité et des performances des produits finis.

Pour en savoir plus

 

Gustave MAUROUARD (1822 - 1910)

 

Il est à l'origine de diverses améliorations dans la fabrication de la poudre noire, et notamment pour la carbonisation du charbon de bois, mais il s'est surtout illustré par son activité dans la conception de nouvelles installations très innovantes, comme la Poudrerie de Sevran-Livry ou les premières installations industrielles de nitrocellulose, poudre B ou explosifs chimiques (mélinite ...). Pendant la guerre de 1870, il réussit à édifier en quelques semaines une poudrerie dans Paris assiégé et à la faire fonctionner sans accident jusqu'à l'armistice.

Pour en savoir plus

 

 

Poudrerie de Sevran créée par Gustave Maurouard

Marcellin BERTHELOT (1827 - 1907)

 

 

Académicien, ministre, premier président de la Commission des substances explosives en 1878, il a  notamment  effectué  des études fondamentales sur la thermochimie et la "force" des matières explosives...

Pour en savoir plus

 

Paul VIEILLE (1854 - 1934)

 

 

 

 

Il a été non seulement l'inventeur des poudres "sans fumées"  (poudres B), innovation fondamentale qui a révolutionné le domaine des armes à feu, mais il a également été, entre autres,  à l'origine de la mise au point des bombes calorimétriques et des "tubes à choc" pour l'étude fondamentale des phénomènes de combustion  et de détonation, et de la méthode "de Vieille" pour la surveillance de la stabilité des poudres.

Pour en savoir plus

 

 

 

Eugène TURPIN (1848 - 1927)

Ingénieur chimiste, il fut entre 1881 et 1886, à la base de la mise au point des obus chargés en explosifs modernes, en permettant d'utiliser les propriétés explosives - déjà connues - de l'acide picrique (rebaptisé "mélinite" pour les usages militaires), d'une part avec le chargement en "coulé-fondu", d'autre part avec la réalisation de fusées d'amorçage adaptées. On lui doit également l'invention d'explosifs bi-composants "panclastites" à base de peroxyde d'azote et de sulfure de carbone, utilisés un temps pour le chargement de bombes.

Pour en savoir plus

 


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